Les explications sur le rôle de l’école ne manquent pas dans la littérature ou sur la toile et de plus, chacun.e possède son propre discours et a ses propres représentations à ce sujet. Admettons dans un premier temps pour cet article qu’un des rôles de l’école est de fournir une culture commune à tous les individus, quel que soit leur milieu d’appartenance, afin que leurs acquisitions (connaissances, compétences, savoir-être, etc.) puissent leur servir tout au long de la vie. Assurément, le lecteur attentif ou la lectrice attentive rétorquera que le verbe « servir » reste assez flou si l’on entend relier la question des acquisitions scolaires à l’existence d’un individu.
À mon sens, c’est la capacité que les individus développent à s’insérer dans la société qui permet de mesurer la qualité d’un système éducatif et de formation. Avec cette perspective, toutes les acquisitions doivent alors être tournées vers l’objectif supérieur de permettre à chacun de réunir les outils lui permettant une insertion durable. Notre société et ainsi faite que l’insertion dans la société passe avant tout par une insertion sur le marché de l’emploi. Or, c’est actuellement la succession de différents « blocs » qui mènent au marché de l’emploi et qui commencent (presque) toujours pas une éducation de base. Après une éducation de base – parfois parsemée d’embuches – l’individu suivra un parcours qui est le sien vers une insertion plus ou moins durable. Dans les cas les plus linéaires, il effectuera une formation professionnelle et intégrera immédiatement le marché du travail ou il trouvera de l’embauche après avoir obtenu un baccalauréat puis un Bachelor universitaire. Dans d’autres cas moins linéaires, l’accès au marché du travail sera la succession de « blocs » plus ou moins réussis dont certains aboutissent à une certification et d’autres pas. Pour d’autres encore, il y aura eu une latence entre deux formations ou l’accès au marché du travail se sera fait à l’issue de la formation de base. Il n’y a pas de bons ou de mauvais parcours, il n’y a que des transitions entre des « blocs » plus ou moins structurés et malheureusement certains des ces « blocs » sont considérés comme des moment de fragilité et de décrochage.

En Suisse ou à l’étranger, les autorités s’attachent à soigner ces « blocs » et c’est une bonne chose. Toutefois, la solidité d’une formation de base n’est que moyennement utile si les perspectives d’accès à une formation ultérieure de qualité relève du parcours d’obstacles. Il convient donc pour les responsables des systèmes éducatifs de considérer la transition comme un enjeu majeur à part entière de l’insertion et de ne pas laisser cette articulation à l’abandon. La transition n’est pas un phénomène annexe au système éducatif, mais bel et bien un élément du parcours de l’individu qui doit être thématisé et pris en compte à sa juste valeur. Certains jeunes ont développé les outils nécessaires et/ou bénéficient d’un réseau – leur famille par exemple – qui leur permet de passer ces transitions sans encombre. La rupture est formatrice et constructive. Par contre, un accompagnement est parfois non seulement utile, mais nécessaire pour éviter une démobilisation et même une marginalisation de laquelle il n’est possible de s’extraire qu’au prix d’une énorme dépense d’énergie de l’individu et de tous son réseau d’entourage. Plusieurs transitions existent : vers un niveau de formation subséquent, vers une autre formation de même niveau suite à un échec, vers l’emploi, etc. Chacune de ces transitions revêt des caractéristiques particulières si bien que l’accompagnement peut/doit être très différencié et même individualisé.
Placer la transition au centre d’une politique éducative pour en faire une responsabilité régalienne peut être vu comme un coût supplémentaire important pour la collectivité publique, mais une juste vision d’avenir évoquerait plutôt un investissement car la santé d’une collectivité se mesure certainement à sa capacité à intégrer, y compris les plus fragiles.
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